Il y avait, dans le groupe d’amis avec qui je voulais fêter le nouvel an, un type dont j’avais cru un moment être le rival amoureux. En réalité cette rivalité n’existait pas. J’étais juste jaloux, triste et froidement agressif, et avant de tout plaquer pour une autre ville je l’avais fait pendant des mois et des mois immensément chier. Mon départ l’avait sans doute soulagé.
En apprenant ma possible présence, il a fait savoir que c’était lui ou moi. Je n’ai pas été admis à passer la soirée avec eux. Je n’avais nulle part où dormir et ne pouvais pas repartir avant le lendemain matin. L’une des copines de la bande m’a conduit au Cap d’Agde, dans le bar-glacier appartenant à ses parents, pour que j’y passe la nuit. La situation mettait tout le monde sauf moi très mal à l’aise. Pour ma part, la dépression dans laquelle j’étais enfoncé me rendait à l’époque inaccessible à tout autre sentiment.
Ses parents lui ayant interdit de laisser ouvert ou de me confier les clefs, elle m’a enfermé. Je suis resté là-dedans de huit heures du soir au lendemain quatorze heures, avec pour consigne de ne pas laisser de traces de mon passage. Il y avait des banquettes sur lesquelles je pouvais dormir.
J’ai passé la nuit à me branler, à ouvrir les bacs réfrigérés et à m’empiffrer de glaces de toutes sortes, pour la plupart périmées depuis l’automne précédent. Les jours suivants, j’ai eu mal à la tête et une chiasse persistante.
(illustration: Labaye)