J’étais coincé dans une histoire qui n’en finissait pas et je n’en pouvais plus. C’était mon premier amour. La première fille avec qui j’avais couché. J’étais convaincu qu’elle était la seule qui voudrait jamais de moi. Alors, bien qu’elle ne me fasse plus battre le cœur ni bander, je m’accrochais. Un jour je n’en ai plus eu la force. J’ai décidé de disparaître. Nous étions ensemble depuis six ans.
Je me souviens de la sensation grisante que j’ai éprouvée la veille de mon départ. Nous avions donné une fête. Tous les invités causaient avec moi, et moi avec eux, comme si de rien n’était. Je savourais par avance ma future liberté. Quand tout le monde est parti, nous avons fait la vaisselle, bu encore quelques bières, et sommes allés au lit. Nous avons baisé. J’ai eu du mal avoir une érection suffisante.
Je suis resté éveillé toute la nuit, la regardant dormir. Au petit matin, je me suis levé silencieusement. Je lui ai écrit un mot d’adieu. Je me suis habillé et j’ai préparé quelques affaires. J’ai égrainé chaque geste en éprouvant une satisfaction profonde et secrète. Dernière fois que je pisse dans ces chiottes. Dernière fois que je ferme cette porte. Dernière fois que je descends ces escaliers. Dernière fois que je franchis le seuil de cet immeuble.
Je ressentais une réelle jubilation. La joie profonde de la fuite.
Une semaine plus tard, j’étais de retour, pour une année supplémentaire.
(illustration: Labaye)